PLANETE CUISINE
Encyclopédie Culinaire et Gastronomique
"Le poivre excite l'appétit, chasse les vents, fortifie l'estomac et apaise la colique."
Menon ; La science du maître d'hôtel
Originaire des forêts équatoriales du sud-ouest de l'Inde, le poivre est sans contexte la plus répandue des épices, mais il n’a rien de commun ou banal.
Universelle, son utilisation est d'ailleurs si lointaine qu'il est difficile, voire impossible, de dater son apparition. Il est mentionné dès le IV° siècle avant J.-C. dans des textes sanskrit sous l’appellation « pippali ».
Il a très vite prit une place prépondérante aux côtés du sel et des autres épices précieuses, considéré comme le roi des épices, il fut même échangé contre de l'or. On suppose que la Chine et l'Inde l'utilisent depuis déjà longtemps lorsqu'en 330 avant J.C., Alexandre Le Grand en rapporte de ses expéditions en Asie. Apicius, gastronome romain du IV° siècle en recommande l'utilisation pour rehausser la fadeur des mets bouillis et atténuer l'odeur des viandes faisandées.
Mais plus qu'une épice, le poivre, à l'image du sel, constitue pendant longtemps une monnaie d'échange très recherchée.
Les routes commerciales partent de la côte de Malabar (région littorale située dans le sud ouest de l'Inde) et rejoignent le monde hellénistique par cabotage jusque dans le Golfe Persique ou la Mer Rouge puis par voie de terre jusqu'à Alexandrie.
Entre le I° siècle avant J.-C. et le VI° après J.-C., les colonisateurs Hindous diffusent le poivre de l'Inde à Java.
Coté occidental, ce sont les Arabes, dont les empires se sont étendus jusqu'aux frontières indiennes, qui acheminent le poivre jusqu'en Europe. Ils restent les fournisseurs quasi exclusifs (avec les grecs dans une moindre mesure) de toute l'Europe pendant plusieurs siècles (depuis la période impériale romaine jusqu'aux premières excursions maritimes des Portugais).
Dioscoride, médecin grec du I° siècle après J.-C., est le premier à nous laisser des traces du poivre blanc, qu'il croit issu d'une plante différente de celle du poivre noir.
En l'an 176 après J.-C., sous l'empereur Marc Aurèle, les poivres blancs et longs sont taxés à Alexandrie. Le noir, moins cher et de consommation plus courante, en était exclu. Lorsque Alaric Ier, roi des Wisigoths, pille la ville de Rome en 410, il prend soin d'emporter avec lui 5 000 livres de poivre, en plus de son gigantesque butin. A cette époque, l'épice sert d'ailleurs très souvent de récompense aux soldats méritants, de Rome ou d'ailleurs.
Au Moyen-Age, bien que le poivre soit plus répandu, il demeure toujours rare, et surtout cher. S'il ne rentre pas directement dans le cadre d'une taxe, comme le sel et sa gabelle, il constitue parfois une monnaie d'échange suffisamment estimable pour payer dettes et impôts. Il tient un grand rôle dans l'assaisonnement et en médecine. Il aura été souvent frelaté (c'est en 1735 que des décrets sont mis en place pour que "aucune miction ni mélange" ne soient faits sous peine d'amendes) ou remplacé par d'autres épices fortes (comme la maniguette ou le poivre de Kili) au gré de l'état des relations commerciales avec le reste du monde.
Des guildes de marchands de poivre ont existé en Europe, à Londres en particulier, à partir de 1180. En 1328, les Poivriers sont devenus des "Grossarii" et ont commencé à importer d'autres marchandises exotiques, d'où le terme de grossiste. À Anvers, au milieu du XVI° siècle, le commerce du poivre était le baromètre par lequel on évaluait la bonne santé des économies, un peu comme les indices boursiers d'aujourd'hui.
Ce qui rend alors le poivre si précieux réside évidemment dans les grandes distances à effectuer pour s'en procurer. Au même titre que l'or, les épices, et le poivre en particulier, représentent pour les grands voyageurs, comme Christophe Colomb ou Vasco de Gama, l'un des objectifs majeurs de leurs lointaines expéditions.
Enfin, à mesure que d'autres épices perdent de leur popularité, le poivre s'installe, définitivement et fait rapidement figure de condiment de base dans toutes les cuisines du monde.
Le XVI° siècle voit l'arrivée des premiers bateaux portugais chargés de poivre via le cap de Bonne-Espérance. Le monopole du poivre et de nombreuses autres épices tropicales (girofle, muscade,…) restera portugais jusqu'au XVIII° siècle. En France, sa place sera renforcée par un homme au nom prédestiné, Pierre Poivre. Au XVIII° siècle, ce gouverneur de Fort-de-France décide d'implanter des poivriers sur l'île Bourbon (l'actuelle Réunion), alors que jusque là on n'en trouvait qu'en Asie du Sud-Est. C'est grâce à cette diversification des sites de culture, que le poivre s'est fait de moins en moins rare, son prix finissant par baisser.
Il demeure toujours l'épice le plus utilisé et le plus en demande même aujourd'hui. Environ 27% du commerce mondial des épices est relié aux poivres soit plus de 550 000 tonnes par année.
Le poivre est une épice obtenue à partir des baies de différentes espèces de poivriers, des plantes de la famille des pipéracées originaire du Sud-ouest de l'Inde. Seuls les fruits du Piper nigrum et du Piper longum ont droit légalement à l'appellation « poivre ».
Il provient d’un fruit qui pousse en grappe et vient d’une linacée qui grimpe le long des arbres qui produit des grappes de 50 à 60 fleurs (il faut compter environ sept ans pour que la liane produise ses premières baies) .
L’Inde est le plus grand producteur de poivre au monde, l’une de ses régions, la côte de Malabar, a la réputation de produire le meilleur poivre au monde. Aujourd’hui, le marché nous offre également des poivres provenant du Vietnam, du Brésil, d’Indonésie, de Malaisie ainsi que de Chine.
Il existe de nombreuses espèces de poivre, principalement en Inde (liste non exhaustive) :
Balamcotta – Inde : poivrier à très grandes feuilles vert clair, épis allongés, il représente la majorité des cultures indiennes de la côte de Malabar. Plante vigoureuse.
Kalluvalli – Inde : poivrier à feuilles vert foncé, épis plus courts et plus denses, il est considéré meilleur que le Balamcotta, son mûrissement étalé rend la récolte plus difficile.
Cheriakodi – Inde : plante plus petite à feuilles vert foncé, épis très courts, maturation rapide des fleurs.
Cheriakaniakadan – Inde : petites feuilles en forme d’ellipses, production régulière, populaire dans le sud du Kerala.
Sarawak – Malaisie : poivrier à feuilles larges, sensible à la pourriture du pied.
Belantung & Lampongs - Sumatra : feuilles larges, fruits de petite taille, plante peu sensible à la pourriture.
Muntok – Ile de Bangka, Sumatra : donne le poivre blanc de l'île Chinoise de Bangka.
Phnom-Pon – Cambodge : poivrier à feuilles large, le poivre rouge de Kampot en est issu
Le poivre, surtout lorsqu'on le moud, peut nous faire éternuer. Cette caractéristique est due à la présence d'huiles volatiles, de pipérine et de résine. Ces vapeurs irritent également les yeux, le nez et les voies respiratoires, tout comme les piments forts. Il tire son goût intense de son écorce (ceci explique la relative douceur du blanc).
Mais attention, à haute dose, il peut tout de même s'avérer excitant, voire irritant dans certains cas.
Les vertus médicinales du poivre noir sont nombreuses : parmi les plus connues, on peut citer sa faculté de stimulation de l'appétit et de la digestion et son aide pour l'élimination des graisses, sa capacité à calmer la douleur, sa qualité de cicatrisant rapide pour les petites blessures, ainsi que ses propriétés aphrodisiaques. Il passe pour avoir des vertus détoxifiantes.
Contrairement aux vinaigrettes, mayonnaises et huiles, le poivre ne fournit aucune calorie. Comme toutes les épices, il devrait être le choix de tous ceux qui cherchent à relever un plat tout en suivant un régime faible en calories. On le dit tonique, stimulant et antibactérien.
Le poivre gris, poivre que l'on consomme couramment, n'existe pas, il s'agit en fait d'un mélange de poudres de poivres blancs et noirs de qualité médiocre.
Pour Gérard Vives, fondateur du Comptoir des Poivres,, ce produit est sans réel intérêt pour parfumer et mettre des saveurs en cuisine, il est juste brûlant sans apporter d'arôme.
Il doit être fait une distinction entre « vrais poivres » et « faux poivres ».
Les « vrais poivres » font partie de la famille des pipéracées, Piper Nigrum, Piper Longum et Piper Cubeba en étant les principales sous-familles.
Les « faux poivres » ont été à tort considérés comme des poivres, mais ils n’en sont pas, ils n'appartiennent pas à la famille botanique des pipéracées. Le poivre rose, le poivre de Jamaïque, le poivre de Sichuan, le poivre à queue, le poivre de Tasmanie, le kili poivre sont tous des « faux poivres ».
Contrairement à ce que l'on pourrait penser de prime abord, les différentes variétés de poivre n'en forment qu'une, récoltées à des stades de maturation et de coloration différents. En mûrissant, le poivre passe successivement du vert au rouge. Il mûrit en 9 mois, est nommé poivre vert au bout du 6ème mois et devient mature avec une belle couleur rouge au bout du 9ème mois. Il ne se pare de sa couleur noire qu'après avoir été récolté et mis à sécher.
Il est important de garder à l'esprit que le parfum des poivres est fortement influencé par la région de production (climats, variétés, terroirs...), le mode de préparation et la qualité souhaitée (tout comme un vin par exemple).
Olivier Fournel (Admin)
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